S’il est une recette qui marche quasi systématiquement pour comprendre le travail d’un artiste, c’est celle de se demander ce qui est important, ou ce qui lui importe. Mais les exceptions confirment les règles, dit-on. D’abord, visuellement, les œuvres de Fabien Clerc sont quand même dures à décrire. Elles attaquent sur esthétique pop jusqu’au fluo. Mais suggèrent aussi le psychédélisme criard. Puis il y a la céramique, proche de l’artisanat ou de l’art vernaculaire, qui impose un mélange de respect très technique et des « ratés » révélant un amateurisme savamment calculé. Enfin, on découvre que les formes n’ont jamais leur usage originel, la coque d’un scooter, les gris gris africains, les guitares. Fabien Clerc serait-il un grand professionnel de l’intuition? Non, car il n’est pas de ces artistes qui ne veulent pas ou ne savent pas parler de leur travail et exprime une logique évidente dans la construction des assemblages qui composent ses pièces.
En plus de son travail d’artiste, Fabien Clerc organise des fêtes. Ce qui paraît évident si l’on considère le nombre d’attributs musicaux disséminés dans ses installations. Mais là encore, il n’y a pas vraiment de genre musical, ou plutôt ils y sont tous, pour autant qu’ils fassent partie du catalogue des contre-cultures contemporaines. D’ailleurs ses installations ressemblent autant à des totems ou à des étals magasins de magie noire pour chamanes occidentaux, qu’à des restes organisés de concerts rituels.
Mais alors, entre anachronismes et syncrétisme culturel, qu’est-ce qui est important dans le travail de Fabien Clerc ? D’abord il nous rappelle que la fête et la transe sont importante car, bien au-delà du simple divertissement, elles s’inscrivent dans la lignée des pratiques collectives et performatives qui lient le corps et l’esprits, puis les corps et les esprits. Ensuite, il évoque avec poésie la construction identitaire individuelle contemporaine. Du Bénin à la Colombie, il s’approprie le chamanisme comme un code de lecture du psychédélisme version occidentale, géographiquement et temporellement.
Les grappes d’objets qu’il fixe avec des boyaux de vélo cassés évoquent les formes d’accrochage mis en œuvres dans les petits magasins en Afrique, dit-il. Toute la générosité et l’intelligence artistique de Fabien Clerc se cache donc dans un effet de renversement essentiel: donner de l’importance à ce qui, communément, est considéré comme banal et poétiser ce qui est interdit, tel un atlas de l’intelligence populaire, sensuelle et intuitive.
Marie-Avril Berthet, 10.04.12