Par différents médiums et différentes praxis, six artistes s’emparent de la formule Les dessous de l’art et sèment le doute sur la nature de l’exposition et de la galerie. Dans la première salle, les sculptures Sarah Hall et les dessins de Matthias Saillard se répondent et interrogent leur représentation formelle et leur symbolisme. Les œuvres de Matthias Saillard, réalisées au stylo montrent à voir des dessous laissés là, négligemment, par leurs propriétaires dans un moment d’excitation ou de lassitude. Ils sont l’autre forme de l’outrance, celle qui reste statique alors que les corps qui les portaient sont déjà loin. Objets de consommation touchant pourtant au plus intime, les sculptures de dessous féminins de Sarah Hall revêtent quant à elles, une esthétique propre et nette. Froufrous soignés, blanc virginal, beauté publicitaire, rien n’est pourtant dit ici sur le grand absent : le corps. Sa viande, ses matières, ses fluides. Émissaire de la culture qui couvre les corps pour en dériver la brutalité, le sous-vêtement affecte à son propriétaire un ensemble de postures simulatives et excitantes qui permet de rejouer ce qui est en nous de nature mais en animaux policés, en brutes domestiquées. Leur finesse et leur préciosité se révèlent alors illusoires, à la limite du ridicule, du factice.
Des dessous au dessous, quatre artistes s’intéressent, dans la seconde salle aux dessous de l’art. Travaillant autour de la figure de la geisha, Valentin Souquet joue sur la métaphore entre prostituée de luxe et art. Il présente une figure de geisha reposant à l’envers sur sa coiffure sophistiquée aux formes douces et sensuelles. Sens dessus dessous, la geisha, femme d’art par excellence, est pourtant réduite à son statut d’objet, de potiche, achetée lors de cérémonies étudiées, par des industriels fortunés…
Un thème également présent dans l’œuvre de Barbara Fourneret, où une pluie d’euros s’abat miraculeusement sur une foule hétéroclite qui parle le même langage, celui de l’argent. Saint Graal universel qui se substitue à la dimension céleste historique de l’art.
De son côté, Emilie Pischedda propose des photographies de personnes partiellement masquées. Le bas du visage caché par un loup représentant un sourire de magazine témoigne de la convenance, de l’attitude bienséante que réclame le jeu social et les mondanités bien connues des murs blancs des galeries. Le modèle sourit à l’art, sourit au loup, badine passivement et complaisamment. Mondanité écœurante et hypocrisie latente caractéristiques d’une culture construire en opposition au règne animal, à la viande. Un retour aux sources auquel s’intéresse Fabrice Medina attaché au leitmotiv suivant : « manger, ne pas être mangé, se reproduire ». Bases animales de la vie civilisée qui rend la création superflue et donc nécessaire.
Diane Lisarelli