« CH-NEL  »

25 janvier — 15 mars 2008

Claude Guénard
Helenbeck Gallery
6 rue Defly Nice, France 06000


« Claude Guénard est plus qu’un simple peintre : il est aussi sculpteur, philosophe et écrivain. Il utilise l’art comme messager et c’est là la source de la controverse à propos de son travail. S’il peut être à première vue catalogué érotique, Claude Guénard transcende tous les styles et toutes les écoles.  Son trait vif et précis et ses sculptures imaginatives sont sans pitié mais parlent en réalité de l’amour universel.

La controverse vient de ce qu’il réussit à montrer ce que d’autres n’osent pas montrer : une certaine sexualité qui semble guider le monde mais que nos sociétés judéo-chrétiennes taisent. Son travail est parfois dominé par la tension sexuelle entre le sexe et l’église, entre l’interdit et l’inéluctable. Il montre notre besoin d’explorer nos désirs et de redéfinir un amour plus vaste qui dépasserait les confins de notre éducation. Il voit l’amour dans tout et connaît le vrai sens du sentiment amoureux. Même quand il peint les chutes d’Igassu ou le quartier de Fisherman Wharf à San Francisco, on est touché par la sensualité puissante de son travail : vibrant et empli d’érotisme contenu.

Guénard cherche peut être seulement la vérité, la vie telle qu’elle devrait être, le monde tel qu’il est si rarement montré. Il parait ainsi attiré par ces tabous qui rendent nos vies si limitées  et les expose nus et crus. Oui, nous avons un sexe et c’est agréable et beau, oui, il y a de la vie dans les fantasmes sexuels. Son message est une fenêtre ouverte sur un monde que nous connaissons si peu. C Guénard veut nous rapprocher de la vie, pas nous en éloigner. Par son œuvre, il dévoile ces courants d’émotion enfouis que nos sociétés n’osent exprimer. Il nous révèle ce que notre inconscient nous dit mais que les conventions sociales ne nous autorisent pas à exprimer. Pour paraphraser Vincent Van Gogh, Claude Guénard rend visible la vie telle que nous la ressentons et non pas ce que nous voyons d’elle.

Rien de surprenant à ce qu’il prenne aujourd’hui pour cible la publicité. Un bastion de faux semblants et d’images stéréotypées, régis par un système de règles très rigides. Réinterpréter la campagne d’affichage de Chanel, une marque qui ne se reconnaît aucune connotation sexuelle et dont la froideur, résultat de dizaines d’années d’une image policée, limite le message émotionnel était un point de départ tout trouvé.

Les publicités Chanel « revues et corrigées » par Guénard, laissent soudain apparaître la bad girl et le bad boy à travers les personnes idéales généralement représentées. Allant plus loin, un tableau détourné peut être un moyen de faire grincer les dents des aficionados de la marque : il associe le mot « vite » au nom de la marque privé de son « a », devenu ainsi Ch-nel, phonétiquement proche du mot vite en allemand. Le passé, flou et romantique entretenu par la célèbre créatrice avec l’occupant allemand, bien que notoire, reste un sujet tabou dans le monde de la mode : il est ici ravivé.

Choisir des marques de prestige telles que Chanel et secouer leur image statufiée et sans émotion pour montrer ce que ressent, dans son subconscient, le public au contact de cette marque est tout à fait visionnaire. De leur côté, les consommateurs voient en effet les marques de luxe selon un point de vue totalement différent : avec envie, désir, jalousie, concupiscence et leur besoin d’améliorer leur image d’eux-mêmes. Cette vérité, jamais avouée est devenue art à travers les yeux de Claude Guénard.

Nous serons  ou secoués, étonnés ou envieux, stimulés ou dégoûtés par son œuvre mais Claude Guénard ne nous laissera pas indifférents.

Et, qui sait, il fera peut être au contraire monter les ventes de la marque… »

Marc Gobe

President & Editor

Emotional Branding LLC.

Il y a chez Claude Guénard une certaine passion du jeu. Jeu de mots, jeu des corps, jeu des couleurs, jeu des matières, (libre) jeu des passions. Alors que Georges Bataille s’amusait dans les cafés parisiens à montrer des photographies de sacrifices humains aux personnes venant s’attabler, Claude Guénard, lui, joue à provoquer les gens venus s’attarder devant ses dessins nus et crus.

Seul le jeu désacralise, il est le principe du détournement, la liberté de changer le sens de tout ce qui sert le pouvoir. Ainsi, Claude Guénard désacralise, s’amuse avec les références artistiques obligées, les reliques de salle des ventes, les images de papier glacé. Il les chahute, les malmène, toujours avec malice et désir. Il culbute les valeurs de la représentation et crée des liens étroits entre les mots, le dessin et le modèle. « La vie est un jeu de mots » écrivait Tristan Tzara. En privant Chanel de son A, il crée « Ch-nel »/Schnell. Coco et l’occupant allemand ? Peu importe. Certains diront que Guénard s’emploie à briser les tabous. Et s’il s’amusait tout simplement à cacher le A emblématique sous le bac de pigment pur comme jadis le petit fils de Freud faisait disparaître sa bobine sous un lit ?

Pas de « Da », ici c’est Schnell. Vite. Dans un geste simultanément maîtrisé et déchaîné, Guénard déconstruit, réordonne, recompose des images pleines de fougue. Pulsions, frustrations, volonté de puissance, tout y est, dominé par la dérision et l’humour. C’est en jouant les jeux les plus beaux, écrivait Platon, que tout homme et toute femme doivent occuper leur vie. Claude Guénard l’a bien compris.

Diane Lisarelli