Entre septembre et novembre 2017, Quentin Derouet a été invité à s’établir dans la petite ville d’Yiliang, dans la province du Yunnan au sud de la Chine – région du printemps éternel, connue sous le nom « au sud des nuages ». Là-bas, il fait doux jusqu’à la fin de l’année et l’artiste y a retrouvé la douceur de la Côte d’Azur.
Le peintre a installé son atelier dans une immense roseraie, celle du plus grand producteur de roses d’Asie. A perte de vue les roses ont éclos, chaque jour, par centaines de milliers. Dans une vallée cernée de montagnes il a vécu deux mois, entre la rivière, les rizières humides et les bougainvilliers toujours fleuris.
Quentin Derouet est très heureux de présenter à la Galerie Helenbeck ses dernières toiles réalisées pour la nouvelle année, dans la continuité du travail qu’il a engagé en Chine, entre Yiliang et Shanghai.
« Au bord d’une rivière et au milieu des rizières, dans le Sud de la Chine, dans une vallée ensoleillée, bougainvilliers et lotus, j’ai été invité à installer mon atelier chez le plus grand producteur de roses d’Asie.
Trente millions de fleurs par ans, je n’utilise que leurs déchets, leurs roses non calibrées.
La saleté des rues modernes, la nature sauvage et polluée, isolé dans un pays ultra connecté et renfermé, je fais des traces de rose sur du coton et des feux d’épines au bord de l’eau.
Je peins avec les ouvriers, j’écrase la fleur qu’ils ramassent. Une trace violette avec leur rose rouge la discussion commence sans langage.
Des serres immenses, des cathédrales faites de bâches et de technologie, quatre cent personnes travaillent ici.
Cent milles roses sortent de l’usine tous les jours et je fais des traces avec leurs déchets sur du papier.
Je loge à Yiliang situé à douze kilomètres de la roseraie, sept cent milles habitants, dix huitième étage de la plus grande tour de la ville. Des immeubles qui scintillent à la nuit tombée, l’odeur des barbecues et des femmes qui dansent dans la rue. Je mange des nouilles pour mon anniversaire.
A l’un des autres bouts du monde, au bord d’une autre rivière, les hommes meurent et tombent amoureux aussi. Les roses laissent la même trace sur du papier et elles décorent les mêmes vitrines de mauvais goût. Entre deux éclaircies, il pleut sur mes toiles qui sèchent dehors, le violet se dilue et les roses de demain éclosent.
La brume, un pécheur, je me promène le matin au milieu des rosiers ordonnés et des hommes qui s’afférèrent.
Et toi aujourd’hui, je te brûlerai, te diluerai, te laisserai moisir, je te jetterai à la rivière, te presserai pour recueillir ton jus, je te sèmerai sur des toiles, je t’écraserai et je te libérerai.
J’écrirai avec toi que le soleil se couche et se lève, que les oies marchent dans la boue, que le vent s’engouffre dans les eucalyptus.
Plus que jamais j’ai le sentiment de devoir faire des tâches de rose.
Je vous embrasse,
Quentin, Yiliang »