Dans l’alter ego se combinent similarité et différence, proximité et distance. L’exposition présentée ici confronte deux démarches distinctes et pourtant bien familières. Il y a ce blanc et cet or, blanc des matières qu’utilisent Frédérique Nalbandian et Jeffrey Haines : plâtre, savon et cire d’un côté, céramique et porcelaine de l’autre. Feuilles d’or qui recouvrent les œuvres des deux artistes : pour elle, révéler et combler les manques, pour lui, indiquer la préciosité de l’objet.
Les pièces de Jeffrey Haines mêlent, dans un jeu ambigu, érotisme et symbolique fétichiste. Les cravaches et poings américains prennent corps avec des formes rondes, lisses, finies, souvent retravaillées à la feuille d’or. Ces pièces, entre l’outil et l’organe, instaurent une relation avec l’histoire personnelle et l’inconscient du spectateur amené à toucher les pièces afin de se les approprier.
Au contraire, le travail de Frédérique Nalbandian témoigne de la fracture, de la destruction et de la reconstruction, il instaure une poétique de l’existence et de ses débris. Quand il ne s’agit pas d’empreintes (stigmates), il est question de chutes et de coulées. La malléabilité du plâtre du savon et de la cire – tantôt solides tantôt liquides – contredit toute forme de passivité et de fixité, elle expose la vie tout en en rappelant sa précarité et sa finalité.
Deux pièces communes font le lien entre les deux artistes et leurs deux « moi » qui se confrontent pour mieux se rejoindre dans le travail des formes et le refus de l’oubli. Comme l’écrivait Rimbaud : « Voici ! Plus aucune ombre dessus, ni autour, quoique nous soyons entourés d’objets énormes : plus de route, de précipice, de gorge ni de ciel : rien que du blanc à songer, à toucher, à voir ou ne pas voir. »
Diane Lisarelli